L’apparition d’un droit d’auteur
L’existence d’un droit d’auteur dans notre société, est le résultat d’une longue réflexion sur le statut de l’artiste et sur les droits qui lui reviennent légitimement.
Le système de patronage
Avant le XVIIIème siècle, la création artistique reposait sur le régime du patronage et du mécénat, c’est-à-dire sur un système complexe de transactions symboliques et matérielles. En d’autres termes, l’artiste était lié à un grande famille, sous la protection de laquelle il était placé, par un lien d’obligation personnelle : en échange d’un entretien matériel, l’écrivain pratiquait le genre de l’épître dédicatoire, apportant ainsi honneur et gloire à son protecteur.
Le système de privilège
L’invention de l’imprimerie en 1436 par Gutenberg permet de reproduire les œuvres à l’identique et de les diffuser, et d’accroître ainsi la notoriété des auteurs imprimés, mais ne représente pas d’intérêts financiers particuliers pour eux. Les imprimeurs-libraires en achetant le manuscrit disposaient en même temps des droits de propriété. L’activité de ces imprimeurs-libraires, regroupés en corporation, fonctionnait sur un système de privilège : ils pouvaient obtenir un privilège d’exploitation exclusive permettant de rentabiliser l’investissement, sans risque de contrefaçon. Le privilège était accordé par le pouvoir politique (ce qui permettait en même temps de contrôler les écrits en circulation) au départ de façon temporaire. Pour renouveler le privilège il fallait augmenter de 25% le volume du livre.
Diderot, Lettres sur le commerce des livres
Le XVIIIème siècle présente un véritable tournant dans la reconnaissance d’un droit d’auteur. Diderot n’y est d’ailleurs pas étranger. Il écrit en 1783 Lettres sur le commerce des livres dans le but de défendre les privilèges de la corporation des imprimeurs-libraires dont il fait partie. Il y défend le droit de propriété des auteurs pour défendre celui de sa corporation : le droit de propriété ne porte pas sur les idées mais sur ce que l’auteur en fait ; c’est par le travail qu’il a fourni que l’auteur est propriétaire de son œuvre. L’auteur est donc le propriétaire absolu de son œuvre et en la cédant à un imprimeur-libraire, celui-ci en devient le propriétaire légitime. Il n’y a de ce fait aucune légitimité à ne pas renouveler le privilège selon lui. Il y a tout de même un paradoxe dans sa démonstration, car il montre que l’œuvre est la substance même de l’auteur et n’est pas seulement un bien marchand, de sorte qu’elle engage quelque chose de plus profond et d’inaliénable. Il part de cette idée pour la transférer sur la propriété patrimoniale du libraire sur l’œuvre.
L’apport de la Révolution française
Ce système de privilège est renversé au moment de la Révolution Française. De son côté, Beaumarchais défend les droits des auteurs dramatiques, en demandant une juste rémunération en contrepartie des « droits de représentations ». On voit donc petit à petit se dessiner la reconnaissance d’un droit d’auteur et cela, notamment grâce aux lois de 1791 et 1793. Deux idées essentielles se dégagent de textes révolutionnaires : « Un droit exclusif est conféré aux auteurs parce que leur propriété est la « plus sacrée, la plus personnelle de toutes les propriétés », puisqu’elle procède du fruit de la pensée, de la création intellectuelle. Ce droit est temporaire (l’auteur en jouira pendant sa vie, puis ses héritiers pendant cinq ou dix ans après sa mort), parce que l’intérêt public exige aussi, au nom de la diffusion des oeuvres, que le monopole ne soit pas éternel, et que l’œuvre puisse rentrer dans le domaine public. » (Anne Latournerie, Petite histoire des batailles du droit d’auteur, mai 2001)
Durant les siècles suivants, la loi sur le droit d’auteur se développera et se clarifiera avec notamment la loi de 1957. Des modifications sont depuis lors apportées de manière à suivre l’évolution de notre société, mais les fondements du droit d’auteur sont aujourd’hui bien établis.
En bref, le droit d’auteur a mis bien longtemps avant de taper tout là!!
Salut à vous Taptoulaliens !
Très bon article sur la propriété des droits. Je ne peux m’empêcher de rappeler l’histoire pour compléter cet article (pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire des droits d’auteurs dans la musique…)
En effet, à l’apparition de l’imprimerie, les éditeurs musicaux s’emparent de cette technologie pour dupliquer les partitions des auteurs en vogue. Ils envoie des commerciaux sillonner les routes de France avec un nombre important de manuscrits. Pas de radio, pas de vinyle, pas de K7, juste des musiciens pour jouer les partitions… Le business de la musique était né.
Les commerciaux reviennent donc ensuite sur Paris (le plus souvent) avec la recette de la vente des partitions. Il faut savoir que les compositeurs de l’époque se sont mis à écrire de façon à ce que les musiciens bretons, occitans, auvergnats… puissent reprendre facilement les airs, et puissent les jouer avec les instruments locaux.
Au 17ème siècle, un morceau a été composé et diffusé dans toute la France en seulement deux mois. Le premier tube recensé dans les écrits digne d’un Pop Star d’aujourd’hui a vu le jour. L’édition a lancée à cette époque l’industrie musicale et vulgarisé un peu plus la notion de droits d’auteur.